Mais qu'est-ce que je fiche ici? Je devrais être chez moi en train de me reposer ou encore d'étudier...Mais non, je suis ici, à cette fête. Non pas que je ne sois pas fêtarde d'ordinaire: C'est juste qu'en ce moment ma vie est un tel bordel que je me ne peux m'empêcher de me demander comment j'ai fait pour me laisser traîner ici. Apparemment mes amies peuvent se montrer dix fois plus têtues que moi! Toute la journée elles ne m'ont parlé que de ça et m'ont supplié je ne sais combien de fois de les accompagner. Et au bout d'heures entières de torture mentale, j'ai fini par accepter. Dans le fond, j'en avais envie...voir très envie. Donc me voilà, au beau milieu de cette salle pleine de monde. Je devrais m'y sentir un peu à l'étroit, un peu bizarre, sachant que je ne suis pas du "même monde" que tous les gens qui se trouvent là: Mais en réalité, plus les minutes passent, plus je me sent à l'aise. Anna, l'une de mes meilleures amies, me tend un verre. Je le prends sans même ciller, geste automatique. Puis, alors que je porte le verre à mes lèvres, je me fige, mon coeur loupant un battement. C'est de l'alcool. Logique, mais je n'y avais absolument pas pensé! Mes lèvres se pincent alors que j'hésite fortement à boire: Après tout, c'est carrément déconseillé, dans mon cas.

« Elena, ça va?! »

Je lève précipitamment la tête et voit que mes amies me fixent, un peu comme si j'avais fait la pire connerie du monde. Je sourit pour les rassurer et hausse les épaules:

« Bien sûr! Pourquoi ça n'irait pas? », répondis-je d'un ton que je voulais léger et enjoué.

Apparemment ça marche et elle doivent se sentir rassurées puisqu'elles arrêtent de me regarder et, alors qu'Anna passe un bras autour de mes épaules, elles lèvent leurs verres. Souriant, amusée, je les imite et et nous trinquons: A quoi? Rien du tout. Juste au fait d'être ici, ensembles. Elles boivent et se remettent à parler vivement. Mais pour une fois, le fait de les entendre parler garçons et commenter les tenues des filles bourrées de fric présentes me fait ni chaud ni froid. J'ai beaucoup trop de choses en tête, en réalité. Je n'ai pas pour habitude de mentir, de cacher des choses aux gens que j'aime. Et plus ça va, pus je me sent coupable de n'avouer à personne ce qui se passe chez moi. Pourtant mon corps est déjà en train de changer, je souffre de nausées et d'étourdissements durant la journée, mais personne n'a rien remarqué. Du moment que je dis que tout va bien, on en reste là. Pourtant, tout ne va pas bien. J'ai seulement vingt deux ans et je vais bientôt être mère alors que je viens à peine d'entamer mes études. Moi qui rêvait d'avoir un bon job, une bonne situation...Eh bien je pense que c'est légèrement loupé! J'ai des tas de questions à me poser, des choses à régler mais je ne me fait pas d'illusions: Je n'aurais pas la force de traverser ça toute seule. Ce serait irresponsable, débile et inutile. Mais comment le dire? Comment l'annoncer? Je ne vais tout de même pas lever mon verre et dire "Au fait les filles, j'suis enceinte de presque un mois!" Dire que c'est censé être moi la plus mature et la plus prude de tout le petit groupe!

Je soupire et passe une main dans mes cheveux, les ramenant en arrière pour dégager mon visage. Il commence à faire chaud ici, à cause du monde qui gravite autour de moi. Ça sent l'alcool et tout le monde à l'air de bien s'amuser. Décidant donc de mettre toutes mes questions et mes doutes en suspend, j'avale une gorgée de ma boisson...Et finit même par terminer le verre. Je ne suis pas irresponsable, mais je suis jeune. Puis ce n'est pas comme si j'allais me saouler. Les minutes passent, s’égrainent et j'arrive enfin à me détendre totalement. Je suis même allée jusqu'à lâcher mes amies qui n'arrêtaient pas de piailler ou de fricoter avec des garçons, pour aller danser. Les yeux fermés et un sourire aux lèvres, je dansais en suivant la musique et rien d'autre. D'ailleurs j'en suis venue à me ficher totalement de ce qu'il se passe autour de moi. Quelques fois, des garçons viennent se joindre à moi le temps d'une ou deux minutes et je ne les repousse pas. Je suis une femme et j'aime plaire aussi: Tant que je peux! Parce que oui, bientôt mon ventre va être comme une sorte de warning, de repousse garçons! Et je n'ai pas tellement hâte de voir ça arriver!

Soudain je sent deux mains se poser sur moi. Je ne réagis pas tout de suite, plutôt heureuse et soulagée d'avoir trouvé quelqu'un avec qui danser. Mais c'est quand j'ai levé les yeux que j'aurais préféré être bien loin. Comme dans un petit trou de souris, par exemple! Clyde. Il ne manquait plus que lui! Pourtant, ça ne devrait pas autant m'étonner qu'il soit ici. Il est beau, comme toujours et il m'attire, peut-être encore plus qu'avant. Mais je dois être forte et résister! J'essaie de me reculer mais la pression qu'il exerce sur mes hanches et trop forte. Puis il pose son front contre le mien tout en me parlant. Je détourne le regard et mordille ma lèvre inférieure, gênée. Qu'est-ce que je suis censée lui dire alors que j'ai passé ces dernières semaines à l'éviter comme la peste?! Oui j'ai fui cette conversation qui changera très certainement nos vies à jamais. Il serait bien capable de briser mon coeur, en le faisant exprès ou non, et c'est ce qui me fiche une trouille bleue, dans le fond.

« Je ne prenais pas de plaisir à t'éviter, Clyde. », commençais-je, d'un ton un peu plus nerveux que d'habitude. « Et je ne pense pas que ce soit le bon moment pour parler de quoi que ce soit! »

Surtout pas de ce qui me tracasse. Pourtant il mérite de savoir toute la vérité. Je suis juste...Tétanisée. Et je vois bien au regard qu'il me lance, que Clyde est déterminé à tout savoir. Ses yeux sont comme une sorte de rayon X qui arrive à me scanner, à savoir tout de ce que j'ai dans la tête. C'est à la fois gênant, plaisant et perturbant!

« Cela m'étonne d'ailleurs que tu veuilles avoir une discussion. Je pensais que tu étais passé à autre chose depuis bien longtemps! »

Mon esprit est embrouillé, et devinez quoi: Ce n'est pas à cause de l'alcool. En réalité, Clyde a cet...effet sur moi. Cette attraction. Depuis le début, d'ailleurs! Jamais avant je n'aurais cru qu'on aurait un jour l'occasion de nous rapprocher et voilà qu'aujourd'hui nous sommes plus liés que nous ne pourrons jamais l'être. Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel lorsqu'il me dit qu'il ne faut pas croire ce que tout le monde dit: Évidemment que je m'écoute pas les autres! Pas même mes propres amies! Sinon je ne serais jamais sortie avec lui, c'est sûr. Toutes me disaient de me méfier de lui, parce qu'il a déjà un bon tableau de chasse etc etc...Mais je pense que personne n'a jamais cherché autre chose, justement. Tout le monde s'en tient aux seules choses qu'ils savent à propos de Clyde, c'est à dire: Rien, ou presque. Personnellement, je préfère me faire ma propre opinion et juger les gens par moi-même. Agir comme un mouton n'est pas dans ma nature, dieu merci. Mais apparemment, Clyde à l'air de penser que c'est à cause de sa réputation que je me cachais de lui. Tout ce que je voulais éviter, quoi. Et ça me rend mal à l'aise de savoir qu'il aurait pu croire que je l'évitais juste pour ça, parce que j'avais sois disant écouté les autres et que donc, je ne valais pas mieux.

« Ça n'a rien à voir avec ça, d'accord?! Tu ne crois pas que si j'avais suivi les conseils de mes amies avant, je serais sortie avec toi en premier lieu? Non, vraiment, ta réputation, j'en ai rien à faire! », dis-je d'une voix forte, essayant de passer au dessus de la musique. Chose qui n'est pas des plus facile, sachant que le volume est assez...puissant!

Finalement, je sursaute légèrement alors que Clyde attrape ma main. Il passe à travers la foule encore présente sur la piste de danse et me force à le suivre jusqu'au bar. Je l'entends commander deux boissons, alcoolisées, évidemment. Maladroitement, j'attrape le mojito qu'il me tend et regarde le verre comme s'il allait m'exploser à la figure. Je trinque tout de même avec lui et avale une gorgée, sentant l'alcool me piquer la langue et la gorge. C'est peut-être mauvais pour moi, mais qui sait, ça me donnera peut-être un peu de courage pour tenir tout le long de la conversation qui m'attends apparemment! Puis, avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, il me prends à nouveau par la main, m'entraînant cette fois jusqu'à l'extérieur. L'air frais me fait un bien fou et j'ai déjà les idées un peu plus claire. Ensembles, nous nous éloignons le plus possible des gens, là où nous ne serions gênés par personne, ni même par la musique. Je vais y passer, je le sent. Clyde va vouloir parler de tout ce qu'il s'est passé entre nous et je me demande si c'est vraiment une bonne idée. Certainement. Il entame la conversation tout naturellement alors que j'appuie mon dos contre le mur le plus proche. Puis je me met à rire. Non pas pour me moquer ou quoi que ce soit, mais lorsque je l'entends parler mariage, maison et famille...Je ne sais pas, c'est sorti tout seul. Je pose une main sur mes lèvres et attend que mon léger fou rire passe. Puis je passe une main dans mes cheveux et secoue la tête. Tout ça est tellement ironique! Parce que, tout comme lui, je n'imagine pas ma vie telle qu'il l'as décrite et bon sang, j'aimerais passer quelques temps avec Clyde, même si ça ne dure pas. Sauf qu'il y a un détail non négligeable à prendre en compte. Minuscule, léger et sans conséquence, le détail...

« Désolée, vraiment! C'est nerveux. Mais tu as raison. C'était débile et cruel de ma part de t'ignorer comme ça. Je ne voulais pas que tu penses que je m'étais servi de toi d'une quelconque manière et...Je te jure, j'ai beaucoup aimé être avec toi, d'ailleurs j'aurais vraiment voulu qu'on continue. C'est juste que... »

Je soupire à nouveau, détournant le regard. Est-ce que je dois lui dire la vérité? Là, à l'extérieur de ce club, où il y a du monde pour nous voir? Et si il le prenait mal? Et si il me demandait de me débarrasser du bébé?

« Il est arrivé quelque chose », poursuivis-je. « Quelque chose qui me fiche une trouille d'enfer. Et je n'ai pas su comment réagir alors la seule solution que j'ai trouvé, c'était ça. Je suis désolée. »